Youssef Amrani : «Je suis fier d’appartenir à cette coalition gouvernementale au-delà de ses différences» - Youssef AmraniYoussef Amrani

Youssef Amrani : «Je suis fier d’appartenir à cette coalition gouvernementale au-delà de ses différences»

 

 

L’octroi d’une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros au titre de l’année 2012 constitue un appui fort de l’UE au processus de réformes et aux choix stratégiques effectués par le Royaume.

ALM : Quelle est votre évaluation du dernier rapport du secrétaire général de l’ONU et de la résolution 2044 sur la question du Sahara marocain?

Youssef Amrani : L’une des conclusions à tirer de l’échéance d’avril 2012 au niveau des Nations Unies est que la communauté internationale continue d’accorder une importance particulière au processus de négociation sur la base des deux paramètres cardinaux : le réalisme et l’esprit de compromis. Il importe également de souligner que le Conseil de sécurité réaffirme, dans sa résolution 2044, la prééminence de l’initiative marocaine d’autonomie et réitère son appréciation pour les efforts sérieux et crédibles déployés par le Maroc pour parvenir à une solution politique à ce différend régional artificiel. Par ailleurs, la demande formulée par l’instance onusienne, pour la deuxième année consécutive, afin de procéder au recensement des populations dans les camps de Tindouf en Algérie, conforte la position marocaine visant à mettre un terme aux conditions inhumaines vécues par nos frères retenus dans ces camps depuis plus de 35 ans. Aujourd’hui, l’essentiel est de préserver le processus politique, éviter les dérives, consolider les acquis, imprimer une nouvelle dynamique aux négociations et surtout éviter toute pollution à travers notamment une quelconque dénaturation du mandat de la Minurso. Pour cela, l’ensemble des parties est appelé à s’engager de bonne foi et à faire preuve de réalisme au lieu de continuer à défendre des thèses caduques datant de la guerre froide et à instrumentaliser la noble thématique des droits de l’Homme ou la question des ressources naturelles pour faire dévier le processus de négociations. Le dénouement du différend concernant le Sahara marocain ne peut se réaliser qu’à travers une solution politique, appréhendée dans son environnement politique immédiat et à venir. C’est dans cette optique que le Conseil de sécurité a été saisi de cette question. Dans tous les cas, le Maroc ne ménagera aucun effort pour faciliter et accélérer le règlement de la question du Sahara sur la base de son initiative d’autonomie et dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.

Qu’en est-il de la réouverture de la frontière algérienne avec le Maroc et de l’avenir de l’UMA ?

En ce qui concerne la question de la réouverture de la frontière algérienne avec le Maroc il s’agit là d’une décision souveraine de l’Algérie. En tant que Maghrébin convaincu, j’estime qu’aujourd’hui la priorité devrait être accordée à la redynamisation de l ‘UMA. Elle s’impose aujourd’hui comme une nécessité incontournable et irréversible pour concrétiser les aspirations de nos populations en faisant de l’intégration Sud-Sud un catalyseur de croissance et de développement. Il est impératif d’œuvrer à la mise en œuvre d’un ordre maghrébin nouveau, appelé à jouer un rôle clé dans l’accompagnement et la promotion d’actions régionales innovantes favorisant l’émergence d’un espace démocratique apaisé, stable et prospère. L’UMA a besoin d’engager une refondation de ses instances et de ses mécanismes de fonctionnement avec des instruments novateurs afin d’optimiser les voies et moyens favorisant cette intégration à laquelle nous aspirons tous. Le but est de jeter les bases d’une union sans cesse plus étroite en éliminant toutes sortes de barrières entravant notre rapprochement. Dans cette perspective, il est nécessaire de construire sur les acquis politiques de l’UMA dans le cadre d’une nouvelle approche inclusive et fédératrice.Aujourd’hui plus que jamais les potentialités humaines, naturelles et stratégiques des pays du Maghreb Arabe leur donnent la capacité de faire face à ces défis et de s’adapter aux évolutions attendues au cours des prochaines décennies, et ce tout en préservant la stabilité, l’unité nationale et l’intégrité territoriale ainsi que la spécificité de chacun des cinq pays de la région. In fine, le Maghreb ne peut plus être figé dans des postures d’antagonismes stériles et doit ouvrir la voie au dialogue, à la concertation, à la complémentarité, à la solidarité et à la promotion de toutes les libertés. Le Royaume aspire à ce que l’ensemble maghrébin soit un acteur central qui soit en mesure de se positionner, comme l’a décliné SM le Roi Mohammed VI dans le discours du 6 novembre dernier, en tant que «véritable moteur de l’unité arabe, un partenaire agissant de la coopération euro-méditerranéenne, un facteur de stabilisation et de sécurisation de la zone sahélo-saharienne, et un acteur structurant de l’intégration africaine». Le non Maghreb est un gâchis. Son coût est insoutenable. Les cinq pays maghrébins ont un rendez-vous avec l’Histoire et tout doit être mis en œuvre pour que nous puissions être à la hauteur des défis et des opportunités générés par le nouveau contexte régional et international.

Vous avez co-présidé avec le ministre danois des affaires étrangères la dixième session du Conseil d’association avec l’UE, qui s’est tenue au Luxembourg le 23 avril dernier. Quel bilan faites-vous de cette rencontre ? 

Cette rencontre témoigne tout d’abord de la volonté des deux parties de poursuivre, de manière soutenue et dans un contexte régional particulier, le processus de renforcement du partenariat stratégique entre le Maroc et l’UE, dans une logique d’interdépendance et de co-développement.  Depuis l’adoption, en octobre 2008, du document conjoint Maroc-UE sur le Statut avancé, des efforts continus ont été déployés pour la mise en œuvre de cette nouvelle relation avec l’Europe. La 10ème session du Conseil d’association a permis de finaliser le plan d’action du Statut avancé, qui constitue une feuille de route ambitieuse pour la coopération entre les deux parties pour les cinq prochaines années.  L’adoption de ce plan d’action permettra d’ouvrir de nouveaux chantiers et confirmera l’engagement résolu des deux parties en faveur d’un rapprochement toujours plus fort et mutuellement bénéfique, à la faveur d’une dynamique rénovée, ancrée dans une ambition politique et stratégique commune.  Il convient de préciser que ce renforcement du partenariat avec l’Union européenne s’inscrit dans le cadre de la nouvelle Constitution du Royaume du Maroc. A cet égard, l’octroi d’une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros au titre de l’année 2012 pour accompagner le développement socio-économique du Maroc constitue un appui fort de l’UE au processus de réformes et aux choix stratégiques effectués par le Royaume. La partie européenne a d’ailleurs été unanime à saluer le processus de réformes en cours au Maroc et la tenue d’élections législatives transparentes et démocratiques, qui traduisent un approfondissement du processus de modernisation et de démocratisation initié par Sa Majesté le Roi depuis plusieurs années.

Le processus de paix israélo-palestinien semble être bloqué, quelle est votre appréciation de la situation ? 

Le Maroc est profondément préoccupé par l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations de paix entre l’Autorité palestinienne et Israël en raison, il faut bien le dire, des pratiques irresponsables de l’Etat israélien et notamment de sa politique de colonisation qui constitue désormais le principal obstacle à l’amorce de négociations sérieuses et constructives. Le Royaume a toujours joué un rôle agissant pour soutenir et appuyer les efforts déployés par la Communauté internationale pour trouver un règlement juste, définitif et global à ce conflit. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en sa qualité de Président du Comité Al-Qods, ne ménage aucun effort pour préserver le statut juridique de la ville sainte, son identité civilisationnelle et ses symboles religieux et culturels, notamment en contrecarrant les tentatives israéliennes visant à porter atteinte aux spécificités identitaires, civilisationnelles et culturelles de la ville d’Al-Qods Al-Charif.  Le Royaume continuera à défendre les droits inaliénables du peuple palestinien frère, notamment et au premier chef, son droit légitime d’établir son Etat indépendant et souverain, avec pour capitale Al-Qods.

Vous étiez récemment en visite en République du Guatemala, Où en sont les relations du Maroc avec les pays d’Amérique latine ?

Les relations avec l’Amérique latine ne datent pas d’hier. Nous avons toujours eu une longue et ancienne tradition de coopération avec une grande partie des pays amis de cette région. La visite historique effectuée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en 2004, a incontestablement marqué un tournant décisif et instauré une nouvelle dynamique avec les pays de cette région. Les relations avec l’Amérique latine et les Caraïbes constituent une priorité pour la diplomatie marocaine, en raison notamment des affinités culturelles et linguistiques ; n’oublions pas qu’il existe aujourd’hui au Maroc près de six millions d’Hispanophones. Le vaste réseau de Représentations diplomatiques marocaines en Amérique latine et aux Caraïbes ainsi que les nombreuses ambassades latino-américaines présentes à Rabat, sont une illustration éloquente de la relation qui nous unit.

La dimension économique commande de plus en plus la diplomatie. Envisagez-vous une stratégie dans ce sens ?

L’économie occupe une place prépondérante dans les relations internationales et constitue une priorité de l’activité diplomatique du Royaume. Dans ce cadre, le Maroc a élaboré, en concertation avec l’ensemble des acteurs nationaux, les grandes lignes d’une diplomatie économique spécifique, qui s’appuie sur une approche innovante assurant l’adéquation de l’action diplomatique à un environnement en constante mutation.  La stratégie mise en place consiste à accompagner les différents acteurs économiques marocains dans leurs démarches à l’international tout en assurant la promotion du Maroc auprès des milieux d’affaires étrangers. Si cette stratégie s’est dans l’ensemble avérée pertinente et efficace, il n’en demeure pas moins qu’il convient de développer et d’intensifier nos efforts à l’égard de certains marchés cibles prometteurs.  Dans cette perspective, nous comptons renforcer les relais de promotion économique du Maroc dans certaines régions, à travers notamment l’extension de notre réseau diplomatique et l’approfondissement du volet formation dédié aux conseillers économiques.

Comment envisagez-vous votre collaboration avec le ministre des affaires étrangères Saad-Eddine El Othmani ?

Le plus naturellement du monde. Il est le ministre des affaires étrangères et de la coopération, je suis le ministre délégué. Chacun a son parcours, ses préférences, sa singularité. Mais nous appartenons tous deux à la même équipe gouvernementale dirigée par Monsieur Benkirane, et nous sommes mobilisés et déterminés, à l’instar des autres membres de l’Exécutif, à tout mettre en œuvre pour concrétiser le projet de société ambitieux et moderne auquel aspirent les Marocaines et les Marocains. Concernant plus particulièrement les affaires étrangères, on ne réinvente pas la roue. Il s’agit aujourd’hui de construire sur les acquis tout en adaptant notre action diplomatique aux évolutions et repositionnements qui s’opèrent dans un monde en perpétuel changement.

 

média

 

attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o