Politique étrangère: USA,Europe,Golfe...Les remises en phase - Youssef AmraniYoussef Amrani

Politique étrangère: USA,Europe,Golfe…Les remises en phase

– Youssef Amrani, Ministre Délégué aux Affaires Etrangères, explique le concept «  Partenariat stratégique »
– Des points significatifs gagnés avec les Etats-Unis
– Washington « réitère son soutien au plan d’autonomie pour le Sahara Marocain »

L’environnement international est devenu plus chaotique, alors que l’ouverture reste porteuse. Le Maroc doit donc construire des mécanismes de coopération adaptés à ce nouveau contexte, marqué par des difficultés économiques en Europe et un contexte régional mutant. De plus le Maroc doit défendre son intégrité. Et il n’a pas d’atouts énergétiques.

Politique étrangère: USA, Europe, Golfe... les remises en phase

En 2000, lors de sa visite aux Etats-Unis, SM le Roi avait proposé de reconstruire des systèmes de coopération plus en phase avec le monde qui était en train de naître. Ici, Hillary Clinton  (en caftan et qui est devenue aujourd’hui la secrétaire d’Etat d’Obama) avec son époux, président des Etats-Unis à l’époque, et la Princesse Lalla Meriam

L’Economiste: Vous avez ouvert avec les Etats-Unis un «dialogue stratégique»…


Youssef Amrani: Pas moi tout seul, une équipe de hauts responsables. Vous vous souvenez qu’en 2000, SM le Roi, lors de sa visite officielle aux Etats-Unis, avait proposé d’établir un «climat propice pour ouvrir un partenariat stratégique» qui soit «en rapport avec les nouvelles données géostratégiques» d’aujourd’hui. Nous avons signé un protocole d’entente le 13 septembre dernier et la semaine dernière un communiqué  sanctionnant la première session. Le Maroc est le premier pays arabe ayant un cadre de dialogue avancé avec les Etats-Unis. Nos relations sont déjà excellentes, mais ce dialogue permet de les approfondir, de façon plus ambitieuse.

Puisque vous dites qu’elles sont excellentes, pourquoi ouvrir ce dialogue?

Pour aller plus loin, pour optimiser nos rapports, sur la base de valeurs partagées avec les Etats-Unis. Vous connaissez l’Histoire de nos relations diplomatiques; elles ont créé une sorte d’intimité. Notre traité de paix et d’amitié est le plus ancien au monde, 225 ans d’âge! Nous partageons des valeurs, le multipartisme, la démarche constitutionnelle, les droits de l’homme, la préservation de la paix et de la sécurité internationale… Nous avons un accord de libre-échange depuis 2004. A part la Jordanie, nous sommes les seuls en Afrique et dans le monde arabe.

Sur le terrorisme aussi?

 Sur le terrorisme aussi. Et de manière générale, sur toutes les menaces communes. C’est d’ailleurs dans ce cadre que notre pays est devenu en 2004, «allié majeur non-OTAN des Etats-Unis». Dans le cadre de notre Comité consultatif de défense bilatéral, le Maroc participe régulièrement aux exercices d’entraînement conjoints avec l’armée américaine. Ce qui favorise l’interopérabilité, très appréciée dans le cadre de certaines missions pour le compte de l’ONU.
Nous participons aussi activement aux exercices militaires dans le cadre du dialogue méditerranéen de l’OTAN. Je ne vous apprendrai rien en disant que notre pays est considéré comme un partenaire responsable, fiable, actif et écouté dans la recherche de la paix au Moyen-Orient.
En revanche notre rôle est moins connu en ce qui concerne les opérations de maintien de la paix au Zaïre, en RDC, en Côte d’Ivoire, en Somalie; et j’oublie la Bosnie, le Kosovo ou encore Haïti et quelques autres. Et puis il y a aussi les opérations strictement humanitaires, comme on vient de le voir avec la visite royale auprès des réfugiés syriens en Jordanie, ou en Libye et au Mali. Et je ne peux pas les citer toutes.

Que contient ce communiqué conjoint?

Il fixe une feuille de route, ce qui nous offre une dynamique. Nous allons poursuivre un dialogue «approfondi, stratégique et mutuellement avantageux». Dans le langage diplomatique, c’est très important.

Dans le domaine politique, les Etats-Unis se sont engagés à soutenir le Royaume pour réaliser les objectifs de la nouvelle Constitution, spécialement le développement humain, la réforme de la justice et celle de l’éducation.
Dans la Déclaration, il faut souligner que les Etats-Unis considèrent le Royaume comme un modèle. Ils ont salué les réformes importantes et les initiatives prises par le Souverain, initiatives qui ont favorisé la conclusion de notre dialogue stratégique.

Sahara, thèse marocaine

LA question du Sahara préoccupe les Marocains qui se demandent si notre pays n’est pas en recul, surtout après l’affaire Christopher Ross.
Non, répond Youssef Amrani, grâce à ce dialogue stratégique, Maroc et Etats-Unis «se sont engagés à élever le niveau de leur consultation politique et à intensifier leurs échanges, à différents niveaux». Dans l’objectif «de favoriser la réalisation de leurs ambitions communes» avec  «une approche équilibrée tenant compte des intérêts spécifiques». Avec cet accord, les Etats-Unis «réitèrent et consolident leur position sans équivoque sur le Sahara marocain», dit Amrani. Il rappelle que les USA considèrent que «le plan d’autonomie du Royaume du Maroc est sérieux, réaliste et crédible, et qu’il représente une approche potentielle qui pourrait satisfaire les aspirations de la population du Sahara à gérer ses propres affaires dans la paix et la dignité».
Le ministre délégué souligne que le communiqué conjoint va plus loin, puisqu’elle écrit que le Plan d’autonomie «représente une approche potentielle qui pourrait satisfaire les aspirations de la population du Sahara à gérer ses propres affaires dans la paix et la dignité».  Youssef Amrani note au passage la «fatigue de la communauté internationale», de ce «conflit artificiel hérité de la guerre froide», qui se prolonge sans raison valable, «en tous les cas, du point de vue historique, moral et éthique».
Le «statu quo a un coût humain, économique et sécuritaire exponentiel» sur l’ensemble de la région. Ce que dit d’ailleurs le communiqué commun: «les Etats-Unis et le Maroc s’efforceront de renforcer les liens régionaux en Afrique du Nord, afin de parvenir à la concrétisation d’une Union du Maghreb Arabe revigorée», favorisant, notamment, la libre circulation des personnes et des marchandises dans cet espace. Les «Parties concernées par le différend régional du Sahara» sont exhortées de lever «l’obstacle à l’avènement d’un Maghreb apaisé, stable, démocratique et prospère». Amrani indique aussi que le Maroc et les Etats-Unis ont réaffirmé «leur soutien aux efforts visant à trouver une solution pacifique, durable et mutuellement acceptable à ce différend, en réitérant notamment leur appui aux négociations politiques menées par les Nations unies».

Espaces coopératifs

CE qui compte, dit en substance le ministre délégué, «ce n’est pas d’être arrivé là où nous sommes arrivés aujourd’hui», c’est de créer une «dynamique qui va se développer et qui sera capable de s’adapter aux évolutions». «C’est la vision qu’avait proposée notre Souverain, dès sa visite officielle en 2000», ajoute le ministre délégué. Maintenant, nous avons l’instrument: «Les  parties marocaine et américaine s’efforceront de développer et d’optimiser les opportunités d’une coopération toujours plus étroite à travers, notamment, la mise en œuvre et la promotion de politiques et de programmes fondés sur des valeurs, des objectifs et des intérêts partagés». C’est ce que dit  le communiqué commun.
Et ajoute Amrani: on peut même aller plus loin que les seules relations bilatérales.
Dans le dernier discours du Trône, on a  surtout remarqué les recommandations concernant la vie nationale, mais il y avait aussi une recommandation de politique internationale: «Raffermir les liens de coopération internationale dans tous les domaines». Le ministre délégué affirme que «l’appareil diplomatique est au travail sur  cette vision» et il cite l’accord récent avec l’Espagne, le «partenariat stratégique avec le CCG».
L’idée est de construire autour du Maroc des sortes d’espaces coopératifs, capables de soutenir les ambitions économiques, sociales et politiques, de tous les pays qui y participent.

Propos recueillis par Nadia SALAH

média

 

attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o