Intervention de Monsieur Amrani lors de la première édition de la Global Growth Conference (GGC), organisée par l’institut Amadeus à Rabat, sous le thème «Quel modèle de croissance durable partagée». - Youssef AmraniYoussef Amrani

Intervention de Monsieur Amrani lors de la première édition de la Global Growth Conference (GGC), organisée par l’institut Amadeus à Rabat, sous le thème «Quel modèle de croissance durable partagée».

«Promotion de l’intégration régionale: facteur de croissance économique durable».

Le Maghreb dispose d’ores et déjà des pré-requis et des atouts d’un marché performant pour devenir un espace stable, dynamique, homogène et  prospère, capable d’apporter des réponses collectives à des défis socio économiques communs.

Cet espace s’appuie sur de nombreux facteurs que je qualifierai «d’avantages comparatifs »: une proximité linguistique et humaine, une histoire commune, une aspiration populaire, des complémentarités économiques évidentes et de nombreuses ressources. Cet espace sera amené à se  transformer en un marché porteur d’opportunités économiques réelles. En 2020 le Maghreb sera un marché de 103 millions de consommateurs et de 112 millions de consommateurs en 2030.

Pour moi, la principale richesse de cet espace maghrébin réside en son capital humain, jeune, diplômé et avide d’emplois. A vrai dire, nous disposons là d’une véritable manne et d’un gisement de richesse inexploité, prêt à l’emploi, dans tous les sens du terme.

Des milliers de jeunes continuent d’arriver sur le marché du travail dont certains n’échappent pas à un chômage forcé. Remédier à cette situation exigerait, pendant deux décennies, un rythme de croissance plus élevé que celui de la Chine.

Une meilleure intégration maghrébine permettra :

1. Une amélioration de l’efficacité économique des pays et des entreprises.

2. Une mutualisation des moyens et d’importantes économies d’échelle dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires ;

3. L’optimisation des gains d’un marché de près de 90 millions de consommateurs ;

4. L’intensification des échanges  au service d’une croissance économique soutenue et inclusive ;

5. L’enclenchement d’une dynamique vertueuse, synonyme d’incitation à l’investissement, à la production, à l’innovation, à la création d’emplois et à l’amélioration des conditions de vies des populations maghrébines ;

6. Une meilleure attractivité des investissements qui s’appuierait sur une capacité d’offre mieux coordonnée, et sur la création d’un climat des affaires « business friendly » ;

7. L’éclosion de secteurs porteurs pour la chaîne de valeur et capables de transformer la cartographie et le profil des économies maghrébines, à l’instar des services, de l’agriculture,  de l’industrie agro-alimentaire, des technologies de l’information, de l’ingénierie ou encore des secteurs énergétiques ;

8. La naissance d’un cadre fédérateur capable de peser  face à d’autres regroupements régionaux, et susceptible d’être un pont effectif, voir un facilitateur, entre les deux rives de la méditerranée.

Le coût du non Maghreb est exponentiel et ne concerne pas uniquement les enjeux socio-économiques.

Ce qui est frappant, c’est que chaque année, en raison de l’absence du Maghreb, 8 Milliards de dollars de capitaux privés échappent à la région. Selon le rapport du centre de réflexion américain, «Peterson Institute», la perte de croissance annuelle pour chaque pays est évaluée à 2 points.

Les investissements directs étrangers (IDE) intra-maghrébins ne représentent que 0,8 % du total des IDE de la région. Ces IDE sont marqués par une forte concentration en direction de la Tunisie et du Maroc, et en une prédominance de flux émanant de l’Europe.

Les échanges commerciaux entre les 5 pays de l’UMA, enregistrent le taux mondial le plus faible, pour une zone de coopération déterminée.

Force est de constater que le commerce intra-maghrébin représente moins de 2% du commerce extérieur global de la région et la tendance est à la baisse depuis longtemps !

Prenons quelques exemples pour étayer mon propos, le taux d’intégration pour l’UE est de 68%, celui de l’ASEAN est de 25%, celui du Mercosur est de 14% et celui du Conseil de Coopération du Golfe est de 5%.

La Directrice générale du Fonds Monétaire International, Mme Christine Lagarde, estime à juste titre que la réouverture des frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie, contribuerait fortement à l’intégration économique des pays de l’UMA et permettrait une meilleure croissance de l’économie locale estimée à une perte de 2 points de croissance par an.

Ce constat affligeant du non Maghreb me pousse à constater que notre espace ne peut plus être figé dans des postures d’antagonismes stériles et doit ouvrir la voie au dialogue, à la concertation, à la complémentarité, à la solidarité et au développement.

C’est tout sens de l’appel lancé par SM le Roi Mohammed VI dans son discours du 6 novembre 2012, pour l’émergence d’un nouvel ordre maghrébin en mesure de se positionner, en tant que « véritable moteur de l’unité arabe, un partenaire agissant de la coopération euro méditerranéenne, un facteur de stabilisation et de sécurisation de la zone sahélo saharienne, et un acteur structurant de l’intégration africaine ».

L’UMA a besoin de consolider ses institutions et de jeter les bases d’une nouvelle gouvernance et d’une union sans cesse plus étroite en éliminant les barrières qui entravent le rapprochement des cinq pays.

D’ailleurs, lorsqu’on réunit les chefs d’entreprises maghrébins, la plupart n’expriment qu’une envie, celle de pouvoir déployer leurs activités dans un espace qui transcende les divisions nationales.

Economiquement, il s’agit, en premier lieu, de libérer les énergies dont recèlent les économies maghrébines en s’attaquant aux contraintes structurelles annihilant tout effort collectif, telles que la fermeture des frontières, la faible connectivité physique des territoires, la prééminence d’obstacles tarifaires et non tarifaires, la faible accessibilité  au marché et la divergence des stratégies nationales de développement.

En second lieu, ceci devrait se traduire, à terme, par un processus ambitieux d’intégration, de convergence et d’harmonisation règlementaire ayant pour objectif stratégique la création d’un véritable corpus commun voir un véritable acquis « maghrébin » à l’instar de l’acquis communautaire.

Mais la relance de l’UMA implique une volonté politique sincère et résolue fondée sur une nouvelle approche inclusive et fédératrice. Et cela suppose la renaissance de l’idée même du Maghreb, dans sa conception idéologique et philosophique.

Le Maghreb de demain devra être fondé sur de nouveaux modes de gouvernance, sur le respect des libertés individuelles et des droits de l’homme ainsi que sur une véritable représentation politique assurant la proximité nécessaire avec la population et ses préoccupations.

De plus, au vu de l’actuelle conjoncture sécuritaire dans la région, le Maghreb devra se doter de coopérations renforcées, de stratégies collectives et de mécanismes efficients pour endiguer le risque croissant d’instabilité en Afrique du Nord.

 

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attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o