Diplomatie : « Une zone de libre-échange est fondamentale pour le Maghreb » - Youssef AmraniYoussef Amrani

Diplomatie : « Une zone de libre-échange est fondamentale pour le Maghreb »

Une véritable dynamique régionale est nécessaire pour combler le manque à gagner qui s’élève à 2% de croissance annuelle si une union douanière était fonctionnelle au Maghreb», souligne Youssef Amrani, ministre délégué des Affaires étrangères

Youssef Amrani: Nous tenons cette réunion pour faire le point sur ce qui a été réalisé et ce qui reste à faire. Il est important aujourd’hui de bâtir sur les acquis, car depuis 1989, nous avons mis en place des institutions, mais nous n’avons pas beaucoup avancé. Nous disposons d’un cadre général, mais il nous faut des réalisations concrètes. Il faut promouvoir les relations people to people, c’est-à-dire inclure de nouveaux acteurs dans cette construction maghrébine. Nous pouvons «maghrébiniser» les initiatives qui ont réussi en Europe. Surtout que nous ne sommes que 5 Etats qui parlons la même langue, partageons la même religion et la même culture, avec une profondeur arabo-amazighe. Nous devons miser sur des instruments novateurs. En tant que pays du Maghreb, nous pouvons peser sur le débat d’idées en Europe concernant son voisinage immédiat.

Mais cette structure n’arrive pas à passer à la vitesse de croisière…

Le Maghreb est un projet bancable. C’est une aspiration populaire. Maintenant, il s’agit de transcender l’intégration régionale vers plus de solidarité afin de créer un véritable partenariat stratégique. Il y a quelques mois, le Souverain avait lancé le concept de nouvel ordre maghrébin. Il s’agit d’abord du renforcement de la solidarité maghrébine et de la création d’une zone de libre échange, qui permettra de créer des emplois. Si le commerce intermaghrébin est renforcé à travers une plus grande circulation des biens, des personnes et des capitaux, il y aura un impact fondamental sur la création des richesses. Nous voulons évoluer vers un partenariat basé sur des intérêts réciproques. Il faut aussi renforcer les relations euromaghrébines, parce que si l’on adopte les mêmes préférences commerciales entre pays maghrébins que ceux que l’on accorde à l’Europe, il y aura un impact immédiat sur les échanges commerciaux et sur la croissance économique.

L’ouverture des marchés est donc la passerelle vers une intégration profonde?

Tout à fait. Nous avons labellisé la semaine dernière à Bruxelles le projet Trans
Maghreb, qui vise à lier, le Maroc à la Tunisie via un réseau autoroutier. Il s’agit d’un projet intégrateur, susceptible d’être financé et réalisé à court terme. Le Maghreb de demain repose sur l’intégration des réseaux de transport autoroutier, énergétique… C’est comme cela que nous pouvons avancer dans l’intégration régionale. Mais, c’est important d’avoir une ambition politique. Car, le Maghreb est une opportunité à ne pas rater.

L’Algérie est t-elle prête à mettre le problème du Sahara entre parenthèses pour aller vers plus de coopération?

Nous n’avons pas d’autres choix. Je pense qu’il nous appartient de travailler sur les deux dynamiques. D’abord, sur le projet maghrébin, parce que nous avons créé des attentes populaires auxquelles il faudra répondre. Ce qui n’empêche pas aussi d’avancer dans la résolution du conflit du Sahara, dans le cadre des Nations unies, selon les paramètres arrêtés, via les négociations, pour aboutir à une solution agréée par les parties, sur la base de l’initiative d’autonomie. Il s’agira d’évoluer pour construire l’avenir sur la base d’une vision commune du partenariat. Cette construction va libérer les énergies pour trouver une solution au conflit du Sahara. Notre objectif est d’inaugurer une gouvernance rénovée dans la région.

Fathallah Sijilmassi a pris la relève au Secrétariat général de l’UPM. Quel intérêt porte le Maroc pour cette organisation?

L’Union pour la Méditerranée est une priorité, malgré le contexte international de plus en plus illisible. C’est un cadre de coopération, qui permet au Nord et au Sud de la Méditerranée de travailler ensemble sur des projets concrets, à géométrie variable. C’est également le seul cadre où Arabes, Israéliens, Turcs et Européens peuvent discuter de cette nouvelle architecture qui est en train de se dessiner en Méditerranée. Le Maroc, sur la base de son expérience et la priorité qu’il accorde à l’euro-méditerranée, était déterminé à conserver ce poste. Car, l’UPM est un projet prémonitoire qui a initié un nouveau modèle de coopération.

Au niveau des relations avec l’Europe, les retombées du statut avancé semblent très peu visibles…

Le Statut avancé s’articule autour de trois paniers: le dialogue politique, la convergence réglementaire et la dimension sociale. Nous sommes dans une logique de proximité optimale avec l’Europe. Au niveau du dialogue politique, nous avons beaucoup avancé, alors que la convergence réglementaire nécessite plus de temps pour transposer l’acquis communautaire. Nous avons choisi pour l’instant uniquement 5 secteurs dans lesquels nous sommes en train d’adapter nos réglementations. Nous avons également négocié un accord sur l’agriculture, avant de passer à celui de la pêche. Nous procédons par étapes. Aujourd’hui, nous connaissons les difficultés de l’Europe. Mais notre ambition est d’explorer les opportunités avec nos partenaires européens.

Mais en Espagne, c’est une véritable levée de boucliers contre l’exportation des tomates marocaines…

Nous avons précisé à nos partenaires européens et espagnols que ce ne sont pas les milliers de tonnes de plus de tomates qui vont influencer nos relations, qui doivent être avant tout stratégiques. Il faut que nous ayons accès au marché, surtout que des pays, comme la Grande Bretagne ou l’Allemagne, estiment que les pays du Sud, le Maroc essentiellement, doivent avoir accès au marché européen.

Votre nomination au gouvernement, sous les couleurs de l’Istiqlal, a surpris plus d’un. Quels sont vos liens avec ce parti?


Cela remonte à mon jeune âge. Mon père était inspecteur de l’Istiqlal et ma mère était secrétaire générale des «Bounate Al Istiqlal». A 8 ans, j’ai adhéré au mouvement des scouts du parti. C’était une grande expérience dans ma vie. En 1974, j’étais membre de l’UNEM et de la jeunesse istiqlalienne, avant de rejoindre le Conseil national du parti. Mais je me suis éloigné de l’action partisane parce que je suis un homme d’Etat, et je ne mélange pas action politique et missions officielles. Mais je dois reconnaître que l’Istiqlal m’a inculqué l’amour de la patrie et les valeurs de l’écoute, du respect de l’autre… Il y a aussi une constante dans ce parti: ne jamais critiquer son pays quand nous sommes à l’étranger.

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attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o